Si Fortuné Petitcolin est un personnage de fiction, ce récit s’appuie cependant sur des événements et des personnages véridiques. Charles Lefebvre a bien dirigé l’antenne parisienne du Bureau Veritas dans les années 1830.

En 1835, une bohème galante se retrouvait 3 impasse du Doyenné autour de Rogier, Nerval (Gérard Labrunie), Gautier et quelques autres qui en ont laissé des souvenirs aussi enthousiastes qu’imprécis.
Balzac et Gautier ne se connaissaient pas en juillet 1835. Ils ne se sont rencontrés que quelques semaines plus tard, lorsque le premier a sollicité la collaboration du second pour sa revue La Chronique de Paris. Cela a marqué le début d’une amitié profonde, Gautier décrivant Balzac comme « un bon gros porc très plein d’esprit et très agréable à vivre. »

En 1835, celui-ci vient d’achever l’écriture du Père Goriot, dans lequel il a pour la première fois l’idée de faire réapparaître des personnages d’œuvres précédentes, intuition géniale qui permettra à La Comédie humaine de devenir la plus grande fresque littéraire jamais écrite sur une époque.
Balzac avait également fait la connaissance de Vidocq (qui n’a pas eu le rôle que nous lui attribuons ici).
Le romancier a, parmi ses deux mille personnages, donné naissance à la cousine Bette, qui résidait impasse du Doyenné et dont la silhouette simiesque apparaît brièvement dans le récit.

Hyacinthe et Narcisse Roquebère sont deux autres personnages qui ont réellement existé… dans l’imagination de leur créateur, Georges-Jacques Arnaud. Lisez la demi-douzaine d’enquêtes qu’il leur a attribuées dans les années 1830, vous ne le regretterez pas !(1)

L’attentat du 28 juillet 1835 contre Louis-Philippe a fait une vingtaine de morts et autant de blessés. Ses instigateurs étaient Fieschi (qui avait emprunté les papiers d’un ouvrier nommé Bescher), Pépin, Boireau et Morey, le quatrième homme que notre récit a laissé dans l’ombre. Le musée de la Préfecture de police à Paris abrite une reproduction de la machine infernale de Fieschi ainsi que des plans de son appartement.

Fieschi, Pépin et Morey furent arrêtés et condamnés à mort. Boireau fut condamné à vingt ans de prison.

Quelques zones d’ombre demeurent cependant dans les événements liés à cet attentat.

Tout d’abord, Fieschi était-il seul dans l’appartement du troisième étage le matin du 28 juillet ? Il est brièvement apparu lors du procès Fieschi que le sergent de ville Lefèvre qui a contribué à l’arrestation du criminel avait aussi arrêté un homme blond âgé de vingt-quatre ans environ, vêtu d’un pantalon et d’un bourgeron de couleur grise. Selon Lefèvre, cet homme était parvenu à s’enfuir en descendant de l’appartement de Fieschi par une corde. Il n’a jamais été retrouvé. Ne serait-ce pas Théodore ?
Plusieurs témoignages s’accordent également pour dire que deux chapeaux gris ont été retrouvés dans l’appartement.

Ensuite, pourquoi le préfet Gisquet n’a t-il pas été plus efficace dans sa recherche des conspirateurs ? Pourquoi n’a t-il pas détourné le parcours du cortège royal lorsqu’il a appris dans la nuit du 27 juillet qu’une « machine infernale » attendait le roi sur les boulevards, à la hauteur du théâtre de l’Ambigu ?
Dans son ouvrage Les Ancêtres de la Commune. L’attentat Fieschi, l’écrivain conservateur Maxime du Camp (l’ami de Flaubert), avance une explication pour dédouaner Gisquet.
« L’Ambigu-Comique, écrit-il, celui que nous connaissons, celui qui a été ouvert en 1828, était où nous le voyons encore, sur le boulevard Saint-Martin; mais l’ancien Ambigu, celui qu’Audinot avait créé, était situé, avant d’être démoli, boulevard du Temple, n°76, à la place où depuis furent les Délassements-Comiques; il était par conséquent très voisin de la maison Fieschi qui portait le n°50. Or, de même qu’il existe encore beaucoup de personnes qui disent Feydeau pour l’Opéra-Comique, Franconi pour le Cirque, les Bouffes pour les Italiens, le langage populaire appelait Ambigu l’emplacement où jadis avait existé le théâtre d’Audinot. Administrativement, il n’y avait que l’Ambigu du boulevard Saint-Martin ; dans la langue familière du peuple, il y avait aussi celui du boulevard du Temple ; ou, pour être scrupuleusement exact, il y en avait deux : l’ancien, que l’on nommait simplement l’Ambigu ; le nouveau, que l’on appelait l’Ambigu-Comique. La police s’y méprit, et ne sut rien découvrir. »
Mais croire en cette explication est peut-être accorder trop de crédit à du Camp…

Le fait que Gisquet ait été maintenu en fonction après l’attentat indique qu’il avait transmis au roi et à ses ministres les informations qu’il détenait. Ayant fait fouiller sans succès les abords des boulevards qu’il pensait suspects, il est aussi possible que le roi ait cru en une fausse alerte et qu’il ait tenu à ne pas perdre la face en modifiant son parcours au dernier moment.

Il est en tout cas un fait tout aussi étonnant qu’indiscutable : Fieschi a travaillé au service du préfet de police Baude, pour qui il surveillait une section de la Société des Droits de l’Homme. Pendant le procès, la question a été posée de savoir si Fieschi avait aussi travaillé pour Gisquet, mais rien n’est venu le confirmer.

Notons enfin que la conversion républicaine de George Sand s’est opérée à l’été 1835, durant le procès des émeutiers d’avril 1834, sous les auspices de son amant Michel de Bourges, avocat de certains Républicains (cf. Histoire de ma vie, livre V, chapitre VIII).

(1) Un dernier personnage de fiction apparaît dans notre récit : Benjamin Janvier, héros d’une belle série policière historique de l’américaine Barbara Hambly.