Pour qui souhaite mieux connaître la vie dans une fabrique textile d’Angleterre dans les années 1820-1830, la belle série « The Mill » est disponible en DVD et sur Internet. Des métiers à tisser Mule Jenny existent dans plusieurs musées britanniques, ainsi que (en maquette) au CNAM à Paris.

À l’époque de ce récit, Charles Dickens écrivait Oliver Twist, qui offre un aperçu des conditions de vie dans les workhouses. Son roman s’inspire des mémoires de Robert Blincoe publiés peu avant et où l’auteur, orphelin ayant grandi dans la workhouse de Saint-Pancras à Londres, a ensuite enduré de grandes souffrances comme ouvrier dans une filature de coton. La loi sur les pauvres de 1834 et l’instauration des workhouses malgré l’opposition d’un grand nombre de personnes comme le pasteur Brontë, ont signifié des reculs profonds et durables de l’attitude de la société envers ses membres les plus pauvres, comme si vivre dans la pauvreté pouvait être un choix libre.

La famille Warner est emprunté au roman Sybil de Benjamin Disraeli, dont le parcours politique est la preuve qu’il ne suffit pas d’avoir approché et décrit les misères du prolétariat anglais pour en devenir ensuite un défenseur.

Haworth, York et New Lanark sont bien sûr des destinations incontournables pour celles et ceux qui auront aimé ce récit. La Black Bull inn, le presbytère des Brontë, la White Lion inn, Bridgehouse Mill, The Old Hall et La Retraite, bien que plus ou moins transformés depuis 1836, existent toujours et l’on peut s’y promener. Woodlands et l’école de Roe Head à Mirfield existent toujours également, mais sont propriétés privées.
New Lanark, aujourd’hui patrimoine mondial de l’Unesco, est un lieu incroyable où l’on se sent vivre à l’époque de Robert Owen. Non loin de New Lanark, on peut faire étape à Blantyre, où le musée David Livingstone présente la vie du célèbre explorateur. Né dans une famille ouvrière, il travailla dès ses dix ans dans une fabrique de coton, à réparer les fils cassés sur les métiers à filer.

Les pensées et paroles attribuées ici aux membres de la famille Brontë s’efforcent d’être le plus possible fidèles à celles des personnages originaux, dont on aura une image plus juste en lisant plutôt les travaux de Juliet Barker que la biographie de Charlotte Brontë par Elizabeth Gaskell. Les Brontë étaient des Tories (conservateurs), mais avec des inclinations radicales et réformatrices qui se retrouvaient également chez d’autres Tories, comme certains que nous croisons dans ce récit.
Les Brontë ne semblent malheureusement pas avoir eu connaissance des méthodes appliquées à La Retraite. Branwell aurait peut-être vécu plus longtemps s’il y avait été soigné à la fin de sa courte existence.

Les Cockburn sont une famille fictive, aux préoccupations sociales plus poussées que celles des propriétaires de fabriques textiles de l’époque. Mais Charlotte Brontë aurait pu s’inspirer d’Eileen pour concevoir le personnage principal de son roman Shirley qui, par ailleurs, se situe au temps des attaques Luddites que son père, le pasteur Brontë, a connues de près.

Enfin, l’existence d’un fantôme dans l’école de Roe Head n’est pas que pure imagination de l’auteur. Ellen Nussey, qui a connu Charlotte au pensionnat de Roe Head, écrit dans ses Souvenirs (Reminiscences of Charlotte Brontë) : « La tradition d’une dame fantôme qui se déplaçait dans des bruissements de soie dans les étages supérieurs de Roe Head avait beaucoup de charme aux yeux de Charlotte. Elle prêtait une oreille attentive à toute élève qui pouvait raconter des histoires d’autres élèves qui l’auraient vue. Mais quand Miss Wooler nous entendait parler de notre fantôme, elle mettait nos paroles à l’épreuve des faits en demandant à l’une ou l’autre d’entre nous de monter l’escalier après la tombée de la nuit, afin de redescendre avec un élément de preuve. Aucun fantôme ne s’est manifesté, même dans les esprits des plus effrayées d’entre nous. La pâleur quitta bientôt nos visages, nos nerfs se détendirent et de grands éclats de rire nous remirent toutes d’aplomb. »

Un dernier détail. Quand, en 1835, Charlotte Brontë commença d’enseigner à Roe Head, un évènement défraya la chronique dans les environs de Leeds. La jeune gouvernante d’une famille bourgeoise épousa un employé de l’entreprise du maître de famille. Après qu’elle eut donné naissance à un enfant, elle découvrit que cet homme était déjà marié. La rumeur dit que sa première femme était folle et que cela avait justifié à ses yeux son second mariage. Il ne vous reste plus – si ce n’est pas encore fait – qu’à lire Jane Eyre pour découvrir comment ce fait divers s’est transformé en un grand roman sous la plume de Charlotte Brontë.